jeudi 4 juin 2015

3ème Carnet - 17 octobre 1918

17 octobre. – Un Titien et un Andrea del Sarto.
Portrait d’homme, vers 1510, Giorgione ou Titien, (Washington, National Gallery). L’expression calculatrice, presque cruelle, amplifiée par son poing fermé, donne un aire agressif à cet homme, dont nous ne connaissons pas l'identité. Comme d’autres tableaux attribués à Giorgione, celui-ci présente des difficultés d’attribution. Les doux dégradés des tons obscurs rappellent le style de Giorgione. Cependant l’humeur agressive du modèle pointe vers le pinceau d’un peintre audacieux et plus actif, comme Titien.

Chez Joe. Le Titien, pas grand, un portrait d’homme devant une balustrade comme celle de la Schiavona. Il a une barbe, des yeux noirs énergiques et cruels. Le poing droit, décidé, repose sur un livre. Berenson avait écrit, il y a vingt ans, que ce tableau était une copie de Giorgione. Maintenant, il le donne à Titien. Giorgione a dû y toucher comme à La Schiavona, aujourd’hui dans la collection Herbert Cook, de Londres. Joe l’a payé vingt-cinq mille livres.

Dame, ver 1518 - Cercle d'Andrea del Sarto, Femme (habillée à la française), v. 1518. Huile sur bois.
Cleveland, Cleveland museum of art. 

Le Sarto est de plus grande dimension, une femme mi-italienne mi-flamande. Un sourire exquis. Elle est en noir, décolletée, un collier au cou et elle regarde vers la gauche. Une draperie blanche un peu raide, des manches rouges un peu dures. Le visage est très supérieur au reste du tableau. « Je le vendrai cinquante mille livres », me dit Joe. 

Un dessin d’Ingres.
Lady William Henry Cavendish Bentinck*, née Lady Mary Acheson par Ingres


Chez Jonas, l’antiquaire de la place Vendôme. Le portrait de la duchesse de Portland, signé « Rome, 1817 ». Il mesure peut-être trente centimètres de haut. C’est fait avec un crayon gras au trait inélégant. La femme est debout, trop droite et trop petite, les yeux trop ronds. Une chaise très bien dessinée. Je lui en demande le prix : « Cent mille. » – Je lui dis : « Folie. » Alors, il fait : « Il y a dix minutes, je n’en demandais que soixante mille, mais Lapauze sort d’ici et il en est fou. » Je lui réponds que dans huit jours il le laissera à vingt mille. Il me regarde furieux parce qu’il sait que c’est vrai. 

L’armure de la duchesse d’Uzès**.

A été vendue récemment soixante-dix mille dollars au musée de New York.

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Note de l'auteure du blog

* Margaret Cavendish Bentinck, Duchess of Portland (Welbeck Abbey, 11 février 1715 – 17 juillet 1785, Bulstrode Park, Buckinghamshire), nommée Lady Margaret Harley avant 1734, Duchess of Portland de 1734 jusqu'à la mort de son époux, William Bentinck, 2e duc de Portland, en 1761 et Dowager Duchess of Portland de 1761 jusqu'à sa mort en 1785. Elle était la femme la plus riche du Royaume-Uni de son temps et possédait la plus grande collection d'histoire naturelle de son pays.
Carrière savante
C'est un membre de la Blue Stockings Society, un groupe surtout composé de femmes intellectuelles et artistocrates. En 1766, le philosophe Jean-Jacques Rousseau rencontre Bentinck et admire ses connaissances en botanique, malgré sa croyance en ce que les femmes ne pouvaient pas faire carrière en sciences. Ils correspondent jusqu'à ce qu'elle lui envoie une copie du Herbarium amboinense de Georg Rumpf, sur la botanique de l'île d'Ambon dans la présente Indonésie, car Rousseau voyait contrariés, en cet ouvrage, ses idéaux de nature libre.
Source Wikipedia

** Je pense qu'il s'agit de l'armure de Galiot de Genoilhac ou Genuillac, grand maître de l'artillerie, grand écuyer de France, un des plus grands hommes du règne de François ler. Son armure était religieusement conservée par la Maison d'Uzès. Elle décorait l'entrée du grand escalier d'honneur du château de Bonnelles (Seine-­et-Oise). Source Nemausensis

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

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