samedi 23 mai 2015

3ème carnet - 24 septembre 1918

24 septembre. – Sur une édition de Balzac.
Balzac Le médecin de campagne édition Louis COnard illustré par Charles Huard

« Ce fut très osé, dis-je à l’éditeur Conard*, d’avoir tenté un Balzac illustré, c’était difficile de trouver l’artiste ; et Huard n’a pas dessiné des types d’aujourd’hui, mais bien de l’époque. Il la connaît et il a bien compris aussi l’esprit de Balzac.
— Très intelligent, Huard, fait Conard ; j’avais l’intention de confier l’œuvre à trois ou quatre artistes. Je pensais à Abel Faivre pour les femmes, à Steinlen pour le peuple et les paysans, à Forain pour les hommes d’affaires. Huard me dit : « Vous avez tort, l’ensemble manquera d’unité, puis, vous avez toujours un artiste en retard sur les autres. Comment manierez-vous Forain, mauvaise tête, sale caractère ? Je connais mon Balzac, je me charge de tout. »


« Savez-vous au moins, fis-je, croquer une jolie femme ? » Il prend son crayon et m’en dessine une très jolie que nous avons placée dans le premier volume. « Mais, lui dis-je, pourrez-vous exécuter quatorze cents dessins ? » « Combien de temps me donnez-vous ? » me demande-t-il. « Cinq ans. » Il fait : « C’est entendu, je vous les livrerai. »


Je vis beaucoup Huard dans le cours de la première année, mais il me montrait bien peu de dessins, et je lui demandais si, vraiment, il travaillait : « Partout, Conard, partout, jusque dans le lit de ma femme et même dans les cabinets. »

Charles Huard (1874-1965). Cahier de croquis pour l'illustration de Balzac

« Au bout d’un an il m’apportait les quatorze cents dessins. »
Pendant que Conard parle, je feuillette Madame de Langeais et, à la page 216, l’éditeur m’arrête et me dit : « C’est le portrait de sa femme. » Je lui demande s’il le fit souvent ; il me répond que non, et il ajoute : « Mais il se servit beaucoup de son larbin qui avait une tête épatante et qui lui fut très utile. 
— Pour les domestiques ?
— Non, pour les hommes d’affaires. »



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Note de l'auteure du blog

* Les Éditions Louis Conard étaient une maison d'édition française du XXe siècle fondée et dirigée par Louis Conard en 1902.
Louis Conard (1867-1944), formé aux éditions Alphonse Lemerre, lança en 1902 une maison spécialisée dans les œuvres complètes d'auteurs du XIXe siècle. Le siège était situé au 6 place de la Madeleine ; on y trouvait une librairie vendant par ailleurs surtout des livres anciens à une clientèle assez chic. On doit à Louis Conard, entre autres, l'édition des œuvres complètes de Baudelaire, d'Alexandre Dumas (1923-1945), de Guy de Maupassant (éditée par Pol Neveux), ainsi que l'édition illustrée par Charles Huard des Œuvres complètes (1912-1940) d'Honoré de Balzac sous la direction de Marcel Bouteron.
 Concernant Flaubert et outre son œuvre romanesque et ses essais, Conard permit entre 1926 et 1930 l'édition en 9 volumes d'une bonne partie de la correspondance générale de l'auteur, soit près de 2000 lettres. Marques et colophons de la maison furent un temps dessinés par Ferdinand Bac : l'un représentait une dame en crinoline tenant à la main un livre et légendé ainsi : « Une dame élégante sort, ravie, de la librairie Conard ». En janvier 1943, Conard cède sa maison et sa librairie au galeriste Jacques Lambert, propriétaire de la Galerie de France. Le fonds sera liquidé par le fils de ce dernier, Jean, en 1976.
Source Wikipedia

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Extrait de Journal d'un collectionneur de René Gimpel - Edition Calmann-Lévy 1963

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